Allongement de l’intervalle entre traites : identification de 1ers phénotypes prédicteurs
Résumé
L’allongement de l’intervalle entre traites est un des moyens d’adaptation des éleveurs pour faire face
à une faible disponibilité en main d’oeuvre en lien avec le travail d’astreinte conséquent. Cette pratique
lorsqu’elle est poussée à l’extrême (24h d’intervalle entre traites) provoque des baisses de production
laitière telles, que son développement dans les élevages repose sur l’identification d’individus adaptés,
basée sur la mesure précoce de phénotypes prédicteurs. L’hypothèse d’une régulation mécanique de
la production laitière en réponse à cet allongement de l’intervalle entre traites prédomine dans la
littérature. En revanche, aucun phénotype à valeur prédictive de ce type n’a été mis en évidence
jusqu’à maintenant. La présente étude a pour objectif d’identifier des premiers phénotypes issus de
cette régulation mécanique. L’adaptation des vaches laitières à l’allongement de l’intervalle entre traites
est très rapide (1er jour). L’’étude consiste donc à décrire la réponse des animaux en utilisant un
intervalle unique de 24h.
Un 1er groupe de 32 vaches Prim’Holstein dont 9 primipares et 23 multipares à 184 +/- 29 jours de
lactation a été étudié dans le cadre d’un essai pluriannuel. Après une période initiale de 7 jours durant
laquelle les animaux étaient traits 2 fois/j à 7h et 16h, l’intervalle de 24h a été appliqué en omettant la
traite du matin (26 avril 2012). Pendant la période initiale et le jour de l’omission d’une traite, la
production laitière (PL) a été mesurée à chaque traite. La composition du lait (TP, TB, lactose) et le
taux de cellules somatiques du lait ont été mesurés 3 jours par semaine et le jour de l’omission de la
traite. Les mesures relatives à la régulation mécanique ont été réalisées en évaluant le 24 et 26 avril,
1) la pression intra-mammaire ( PIM ) au moment de la traite via des mesures du débit d’émission du
lait au cours de la traite et de la durée de traite, et 2) la distension de la mamelle via l’analyse des
variations du taux de lactose sanguin (marqueur de la rupture de l’épithélium mammaire) et de la
distance entre l’extrémité des trayons (périmètre du quadrilatère formé par les 4 trayons et distances
entre les 2 trayons antérieurs et postérieurs et les 2 trayons droits et gauches).
Trois ACP centrées réduites ont été réalisées pour : 1) mettre en évidence l’implication de variables
mesurées en période initiale dans la réduction de production laitière ; 2) étudier les corrélations entre
cette réduction et les variations des variables explicatives mesurées ; 3) identifier des profils de réponse opposés, à l’aide des variables relatives à la régulation mécanique. Cette dernière ACP a été
complétée par une classification hiérarchique pour définir des profils d’adaptation, en retenant les
facteurs ayant contribué le plus à la définition des groupes (│v.test│>3).
L’allongement de l’intervalle entre traites à 24h a provoqué une réduction de PL de 20% en moyenne,
en cohérence avec les données de la littérature. Les 2 premiers axes des ACP 1 (état initial) et 2
(variations) représentent respectivement 45% et 38,6% de la variabilité observée dans l’échantillon.
Pour ces 2 ACP, la réduction de PL et les variables relatives à la régulation mécanique contribuent
particulièrement à la définition du 1er axe qui explique 28,3% (ACP 1) et 21,5% (ACP 2) de la
variabilité. La réduction de PL est corrélée au débit moyen d’émission du lait et à la durée de traite
mesurés en période initiale (r=0,59 et -0,58, respectivement). En assumant que ces 2 facteurs
reflètent la PIM, la réduction serait d’autant plus élevée que la PIM en période initiale est grande. La
réduction de PL est également négativement corrélée (r є [-0,50 ; -0,53) à la variation de la distance
entre les trayons (périmètre des trayons et variations de la distance entre les trayons selon l’axe
antéro-postérieur) et à la variation du taux de lactose sanguin (r=-0,33). Ainsi, les vaches laitières
ayant une PIM élevée en période initiale et une distension de la mamelle faible en réponse à
l’accumulation de lait dans la mamelle perdent plus de lait lors de l’allongement de l’intervalle entre
traites (Tableau 1).
A noter, le débit d’émission de lait (indicateur de la PIM) mesuré en période initiale et les variations du
taux de lactose sanguin (indicateur de la distension de la mamelle) sont corrélés (r=-0,43). Cette
corrélation suggère qu’une PIM initiale élevée serait associée à une moindre capacité de la mamelle à
se distendre en réponse à l’allongement de l’intervalle entre traites.
Cet essai a permis d’identifier des 1ers phénotypes prédicteurs de la réduction de production laitière
observées lors de l’allongement à 24h de l’intervalle entre traites. Ces phénotypes sous-tendent une
régulation mécanique de la production laitière à travers une variation de la PIM et/ou de la distension
de la mamelle. Ces résultats seront validés sur un plus grand nombre d’individus (essai pluriannuel).